Peu de temps après mon arrivée à New York il y a sept ans de celà, j’ai rapidement remarqué quelque chose d’anormal. Je n’avais jamais mis les pieds aux Etats-Unis auparavant, et pourtant je n’étais pas aussi impressionné que ce à quoi je m’attendais, ce qui était plus que frustant. Les buildings étaient hauts, mais pas aussi haut que ce que j’imaginais ; le rythme des new yorkais n’était pas aussi rapide que ce qu’on m’en avait dit ; la Statue de la Liberté était si petite comparée à ce que j’avais pu voir dans les livres ; les hot-dogs vendus dans les rues étaient tellement dégoutants que je crois me souvenir ne pas avoir pu finir mon premier… Les choses étaient il est vrai complètement différentes qu’en Europe, mais certainement pas aussi excitantes que ce que j’avais prévu.
Pourquoi toutes ces désillusions après juste quelques jours ? Peut être avais-je tellement été nourri de films et d’images d’Amerique pendant toute mon enfance, qu’inconsciemment, elles faisaient partie de moi maintenant ? Peut-être n’étais-je pas censé être impressionné par toutes ces attractions touristiques mais directement en faire partie, être un «vrai» New yorkais. Je n’ai à ce jour toujours pas trouvé réponse à cette question et, après cinq années passées dans la mégalopole, désespère d’en trouver une un jour.
A côté de cela, d’autres aspects de cette ville qui ne sont nulle part mentionnés dans les guides (probablement grâce à leur aspect non lucratif) m’ont tout de suite tapés dans l’œil. La plupart étant architecturaux ou de nature scientifique, j’ai petit à petit réussi à apporter des réponses à mes Comments et mes Pourquois. Ainsi, je suis maintenant capable d’amener une explication, entre autre, à ces fumées blanches sortant des bouches d’égouts des rues de New York, au fait que les flocons de neige remontent le long des buildings au lieu de naturellement descendre, ou encore au fait que le skyline de Manhattan reste allumé 24 heures par jour, 7 jours par semaine, même lorsque tous les employés de toutes les entreprises dorment, chez eux !
Mais ce qui m’a vraiment captivé dès le début et encore maintenant, est un phénomène que tout le monde voit tous les jours sans pour autant le remarquer ; un phénomène qui, au fil du temps, s’est lentement glissé dans le fond des photographies, sans avoir la possibilité de revenir sur le devant de la pellicule. Un incontournable figurant du film de New York, un élément artistique sous-exploité à mon goût si ce n’est par ces exemples récents comme le fabuleux travail de peinture de Sonya Sklaroff (www.sonyasklaroff.com) ou encore des «Spiderman» de Sam Raini.
Je vous parle ici des réservoirs d’eau individuels (Water Towers) qui équipent plus de dix milles immeubles (buildings) des cinqs arrondissements (boroughs) de la ville de New York.

Mes réflexes naturels lors de mes innombrables promenades sillonant en long, en large et en travers les rues de cette somptueuse ville, étaient de marcher la tête en l’air afin de les repérer et instinctivement photographier les spécimens ou les situations méritant toute notre attention. Il était aussi fréquent que je demande à des passants ou à des connaissances que je considérais comme de purs new yorkais, ce qu’ils pouvaient m’apprendre sur la position et le rôle des ces champignons géants. A ma grande surprise/désillusion, aucune des réponses n’étaient les mêmes ; et pire, toutes étaient dénuées de sens. Je découvrais jour après jour que ces personnages fabuleux n’amenaient (plus) aucune intrigue aux new yorkais eux-même, et qu’ils étaient désormais déconsidérés, ou plutôt considérés comme faisant partie du paysage au même titre que les taxis jaunes, les sirènes des ambulances ou les livreurs à vélo. Je m'apercevais cependant que les gens étaient tout de même très intéressés de connaître leur utilité. J’étais fier de pouvoir leur fournir ces informations quelques mois plus tard, accompagnées de clichés de quelques spécimens incontournables.

Ce projet a plusieurs buts : le premier est sans aucun doute de rendre hommage à ce trésor architectural visible uniquement dans quelques villes américaines et dont New York en est l’indiscutable vitrine en terme de quantité et de diversité. Injustement, cet élément indissociable du skyline n’a que très rarement été l’objet d’ouvrages photographiques. Les étagères des librairies sont remplies de livres sur l’Empire State Building, le Chrysler Building, la Statue de la Liberté, Times Square… Ces Water Towers amèneront sans aucun doute un peu de renouveau et d’élargissement au champ d’action. Aussi, il serait injuste d’oublier le peu d’entreprises restantes (deux à ma connaissance) ainsi que leurs employés qui sont au pied d'oeuvre pour monter et démonter ces éléments indispensables à la vie sur Manhattan, Brooklyn, Queens, Bronx ou Staten Island. Ils méritent plus d’attention que ce qu’ils n'en reçoivent.